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"Je n'ai jamais était aussi inquiet que quelqu'un voit le film," est l'une de ces choses que les réalisateurs et acteurs disent, mais que vous supposez qu'ils ne pensent pas vraiment. C'est de la fausse humilité. C'est de l'insécurité. C'est un geste de pureté artistique. Mais pour Robert Pattinson - qui l'a dit dans une interview à GQ en 2017 - c'est peut-être vrai. Pattinson a joué dans dix films (sortis) depuis qu'il a joué un vampire sexy, et ces films combinés ont rapporté environ 2% de Twilight : Breaking Dawn Partie 2. Au lieu de rechercher des gros rôles dans des blockbusters, Pattinson s'est imposé comme une icône indépendante improbable - l'un des acteurs les plus sensationnels travaillant en marge, un modèle de goût et une nouvelle race de star de cinéma.
C'est un peu cliché à observer, mais plutôt que de plaire aux masses, ce qui semble réellement préoccuper Pattinson, c'est de trouver un matériau qui le surprendra, le fera rire, un matériau qui, selon lui, est "agréable à lire, agréable à penser." Mais il y a plus que cela. "Chaque fois que je joue un rôle plus important, j'ai toujours aimé les mêmes choses - des choses qui semblent assez audacieuses... Un grand nombre de films que j'aime ont une sorte d'allégresse... Et ils sont également un peu punk. Une sorte de doigt d'honneur à tout le monde."
Dans son dernier rôle, Pattinson ne fait de doigt à personne, mais il attrape une mouette et la tue à mains nues. Il se masturbe également violemment avec une figurine de sirène, devient fou avec de la gnôle faite maison et réprimande Willem Dafoe pour ses pets incessants. Le film est le moins Batman possible, The Lighthouse, le second film fantasmagorique et surréaliste de Robert Eggers après The Witch. Tourné en noir et blanc, avec un format d'image vintage de 1.19:1, comportant seulement deux personnages (trois si on compte la sirène imaginaire), et qui est bourré de monologues denses dans le style du 19ème siècle. C'est un pur film d'art et d'essai - ou cela pourrait l'être sinon pour Pattinson, ou pour la direction qu'on pris les films.
Si Pattinson, qui a 33 ans, avait atteint sa majorité à une époque antérieure, vous imaginez que sa carrière ressemblerait à celle de ses beaux leaders comme Leonardo Dicaprio et Brad Pitt. Il aurait été Roméo, Howard Hugues, Mills, Rusty Ryan, Tyler Durden (d'une certaine manière, The Lighthouse est le Fight Club de 2019). Il ferait des choses cool, intéressantes, avec des cinéastes cool et intéressants, et beaucoup de gens iraient les voir. Mais comme les films ont dévié vers des franchises extrêmes, et que la propriété intellectuelle a éclipsé les stars de cinémas - sans que cela soit nécessaire ou par liberté - Pattinson s'est tracé un chemin différent. "Ce que j'ai compris au cours de ces dernières années, c'est que j'aime vraiment être une sorte de chercheur de talent," a-t-il déclaré dans une interview en 2017. "Je ne fais rien d'autre que de parcourir le monde pour essayer de trouver des personnes dont la majorité des gens n'ont pas encore pris conscience de leur vrai potentiel - et de me lancer à fond avec eux."
L'approche a fait de lui le posterboy d'A24. Cela l'a conduit chez David Michôd, les frères Safdie, les frères Zellner, Claire Denis (une personne connue, mais quand même), et Eggers, entre autres. Et lorsque les metteurs en scène talentueux rencontrent le pouvoir de star de Robert Pattinson, des classiques cultes naissent souvent - The Rover, Childhood of a leader, Good Time, etc. Peut-être que très peu de gens vont réellement voir ces films dans les salles de cinéma, mais avec la machine à meme qu'est internet, les gens n'ont pas nécessairement besoin de les voir pour que leur mythologie grandisse. Ou pour que des images indélébiles puissent germer. Il y a Pattinson étant chevauché dans l'espace par Juliette Binoche, une scientifique spécialisée dans la procréation aux cheveux sauvages, afin qu'elle puisse récolter son sperme. Il y a Pattinson, le visage aussi gras qu'un nouveau gant de baseball, fuyant furieusement la police. Et maintenant, il y a Pattinson et Dafoe, tout deux perdant probablement la boule, seuls et se disputant sur une île cauchemardesque.
Pour The Lighthouse, Pattinson est Winslow, et c'est une personne sans but dans la vie qui prend un travail d'ouvrier de maintenance sur un phare mystérieux dirigé par un pêcheur lunatique nommé Wake (Dafoe). C'est un film sans beaucoup de parallèles et Pattinson joue un rôle apparemment très différent de Connie Nikas (Good Time), ou Henry Costin (The Lost city of z), ou Monte (High Life). Et pourtant, la qualité fondamentale que Pattinson apporte au rôle est la même : le mystère. Vous ne savez pas si Winslow est ce qu'il prétend être et le suspense se construit autour de son passé.
Si l'histoire de notre époque est celle d'un escroc, Pattinson s'est révélé être le protagoniste parfait. Il ressemble à une idole traditionnelle, mais ses yeux écartés et ses traits exotiques peuvent également prêter à l'incertitude, à l'alienisme ou au désespoir. "C'est un homme très très beau," a déclaré le réalisateur James Gray, qui a dirigé Pattinson dans The Lost City of Z. "Mais vous avez également le sentiment que vous ne pouvez pas complètement le cerner. Il y a quelque chose de distant, d'incertain et d'effrayant. Si vous ne pouvez pas complètement lire un acteur, alors il commence à devenir une source possible de danger. Il a beaucoup de danger en lui."
Ce qui est le plus plaisant à regarder chez Pattinson, cependant, ce n'est pas le sentiment persistant de danger. C'est ce qu'il fait avec ce sens du danger. Il peut utiliser l'incertitude à des fins horrifiantes ou désastreuses, comme il le fait dans Childhood of a leader et Good Time. Mais il utilise aussi souvent l'absurdité, comme dans Damsel et The Lighthouse. Le prince charmant excentrique est en réalité un idiot qui se fait des illusions, le travailleur maritime innocent n'est qu'à quelques verres de la folie totale. En tant que Dauphin de France dans le nouveau drame moyenâgeux de David Michôd, The King, Pattinson, avec son accent français et ses lèvres boudeuses, donne à un film sérieux un changement nécessaire. Il peut faire preuve de retenue - vous le remarquez à peine dans The Lost City of Z - mais il peut tout aussi bien s'emballer. "Rob faisait la chanson du bûcheron comme si parler en langues était plus que nécessaire," dit Eggers. "Et c'est la même chose lorsqu'il applaudit après que Dafoe l'ait poursuivi avec la hache. Les deux étaient tout simplement incroyables."
Pattinson dit que son sens de l'humour lui vient de son père : "Mon père adorait les choses qui étaient anticonformiste. Et cela me rendait complètement fou quand j'étais enfant. D'avoir ses débats, juste pour se faire l'avocat du diable. Et il y a quelque chose - je ne sais pas, vous voulez attiser les choses." Ça déteint sur vous.
Ce besoin d'attiser, d'être anticonformiste et de faire un doigt à tout le monde, c'est ce qui fait qu'il est difficile de faire concorder Pattinson à son prochain projet le plus remarquable : The Batman. Bruce Wayne, le mystérieux playboy qui combat secrètement le crime, est un rôle que Pattinson est né pour jouer. Mais jusqu'à présent, Pattinson - qui n'a pas le droit de parler du film pour le moment - s'est éloigné de ce qu'il était censé faire. Il se moque de l'aristocratie et il a donné toutes les indications qui montrent qu'il ne souciait vraiment pas si personne ne voyait ses films. Alors, pourquoi Batman ? Soit Gotham est sur le point de devenir étrange, soit la boucle est bouclée et jouer le combattant du crime est le seul moyen de renverser les attentes. Peu importe, je suis curieux. C'est la raison pour laquelle Pattinson est le seul acteur - à part peut-être Jerry Stiller ou Tiffany Haddish - à pouvoir me réjouir de voir comment un autre Batman réussira.
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