Après la promotion américaine, il est l'heure de la promo anglaise avec la sortie de High Life outre-manche aujourd'hui !
Traduction :
L'espace ne vous doit rien. La masse au-dessus de nous est un endroit où nos mœurs, nos passions et nos croyances sont réduites à des souvenirs lointains. On se fiche de la vie et de la mort, de l'amour et de la haine, du mental et du physique, du sacré et du tabou. Regarder dans l'espace, c'est être témoin de la possibilité d'une véritable transgression, d'une liberté terrifiante et galvanisante d'un vide où les règles qui maintiennent la Terre unie ne s'appliquent tout simplement pas.
Ce n'est donc pas une surprise, que l'espace ait une emprise enivrante sur une cinéaste comme Claire Denis. Dans le premier film en Anglais de l'auteur française, High Life, un groupe de prisonniers voyage jusqu'aux abords d'un trou noir en échange de leur liberté. A bord, les détenus se voient proposer un autre pacte avec le diable : passer du temps seul dans un kiosque à plaisirs - connu sous le nom de la "fuck box" - en échange d'expériences sexuelles menées par Juliette Binoche avec une sauvagerie victorienne. Robert Pattinson joue Monte, dont le sperme est utilisé pour imprégner la prisonnière Boyse (Mia Goth) contre son gré, et qui est obligé d'élever l'enfant seul après que l'équipage ait été éliminé. Seuls ensemble dans l'espace, la relation père/fille dérive dans une obscurité qui va au-delà du platonique.
"Quand vous enlevez tous les mécanismes de jugement du monde, comment vous comporteriez-vous ?" me demande Pattinson, tournant dans une impasse philosophique. "Comment agiriez-vous si vous saviez que personne ne peut vous juger ? Comment cela affecte-t-il notre compréhension de l'amour ?"
Denis a toujours été fascinée par ce qui se passe quand personne ne regarde. Dans son chef-d'oeuvre de 1999 'Beau Travail', Denis Lavant danse seul dans une boîte de nuit après avoir été viré de son poste chez les légionnaires français. Il tourne à travers l'écran comme un Wurlitzer délogé de ses mécanismes, enfin libéré d'une vie avec une homosexualité refoulée. Son premier film, Chocolat en 1988, suit une femme française dans un Cameroun colonial, où elle tombe amoureuse du serviteur de la famille. Contrairement aux libertés explorées derrière des portes closes dans Beau Travail, Chocolat raconte l'histoire d'un plaisir interdit et emprunt de préjugés raciaux à travers des moments de silence atroces.
Pour exprimer l'appréciation de son travail et de ses dualités, Pattinson a donné à Denis une photo de la sculpture d'Henri Laurens datant de la seconde guerre mondiale "Le Grand Adieu". La forme d'un parent courbé sur son enfant pour créer une poche protectrice, la pièce était considérée comme un acte de rébellion contre l'oppression nazi, et une représentation de l'intimité et de la sensualité libre des liens familiaux qui prospèrent durant les moments les plus calmes.
Pour un acteur qui a acquis une renommée mondiale après la saga Twilight, Pattinson a consacré la plus grande partie de cette décennie à investir dans des personnages imparfaits. Le coup le plus risqué de son répertoire - son rôle de braqueur de banque sujet aux accidents dans Good Time des frères Safdie (2017), par exemple - est un indice de sabotage de carrière. "Je veux travailler avec des réalisateurs où vous savez que, quoi qu'il arrive, vous serez dans leur film," dit-il. "Cela ne sera pas votre film." Seul à l'écran durant la plus grande partie de High Life, immergé dans la vaste absurdité de l'espace, Pattinson jouit d'une sauvagerie contrôlée qui semble plus libre et plus vraie que jamais. C'est à ce moment précis du diagramme de Venn qu'il a rencontré Denis.
Parlez-moi de votre première rencontre avec Claire, Robert. Inspiré par le scénario, vous lui avez remis une photo d'une statue d'Henri Laurens.
Robert Pattinson : Quand je suis entré en contact (avec Claire) pour la première fois, je voulais lui montrer des choses. Je pense que beaucoup de réalisateurs se seraient dit 'De quoi parlez-vous ?' La sculpture que je lui ai montré était celle d'une femme berçant son enfant. C'était une sculpture abstraite, mais je l'ai aimé car il y avait quelque chose dans la façon dont elle le tenait. Je savais que c'était quelque chose que je voulais intégrer au film. Je pense que je dérive, avec tout ce que je fais maintenant, dans une approche beaucoup moins cérébrale des personnages que je joue - mais plus dans ce que j'ai envie de faire avec eux. Claire est très ouverte pour permettre ce genre de processus. Au lieu de la manière traditionnelle pour parler d'un rôle et dire d'où vient le personnage, c'est une expérience complètement différente avec Claire.
(On vous donne) toutes sortes de choses différentes comme des peintures qui vous inspirent, il n'y a pas beaucoup de logique là-dedans - c'est beaucoup plus lié à ce que vous ressentez.