Traduction de l'interview :
Dans ses années post Twilight, Robert Pattinson semble ne jamais faire la même chose deux fois. En passant du rôle d'un ex détenu voyageant dans l'espace dans le film High Life de Claire Denis en 2019, d'un milliardaire autodestructeur dans le film Cosmopolis de David Cronenberg en 2012 et d'un petit délinquant dans Good Time de Josh et Benny Safdie en 2017, Pattinson a crée l'une des carrières les plus éclectiques du cinéma américain.
Donc, jouer un gardien de phare grisâtre cachant un secret semble être une étape logique. Entrer dans The Lighthouse, un conte cauchemardesque en noir et blanc de Robert Eggers, le réalisateur du film d'horreur The Witch en 2016. Pattinson joue aux côtés de Willem Dafoe dans le film, qui a été présenté pour la première fois à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en Mai. S'inspirant de Melville, du surréalisme, des traditions des pêcheurs et d'autres choses, c'est un conte du 19ème siècle centré sur Pattinson et Dafoe, alors que les deux hommes se rendent lentement fous mutuellement.
Le film isole le duo sur une île avec un phare et des mouettes sournoises, entourée par une mer féroce. C'est en quelque sorte une comédie d'époque déjantée peuplée de vieux loup de mer barbu, un drame psychosexuel sur des psychés torturées, une plongée façon Beckett dans la culpabilité et la honte et, à certains moments, une sorte de parodie d'Aquaman (En outre, il y a beaucoup de fluides corporels dans ce récit.)
C'est diablement amusant, et les deux acteurs ont l'air de passer du bon temps. Le personnage de Pattinson est le plus jeune, le moins expérimentés des deux, et son partenaire aime le bizuter; il est également hanté par des rêves (le sont-ils vraiment ?) d'une sirène hurlante et par sa propre curiosité de savoir ce qui se passe réellement au sommet du phare la nuit. Pattinson apporte sa signature intense au rôle, commençant en étant prude et en devenant petit à petit fou. A la fin, il semble capable de tout.
J'ai récemment discuté avec Pattinson au téléphone de ce qu'il recherchait dans un rôle, de son travail avec Eggers sur The Lighthouse, et pourquoi il ressentait "beaucoup de honte" d'avoir mangé tant de homard sur le tournage. Notre conversation qui suit a été modifiée et condensée.
Alissa Wilkinson :
The Lighthouse ressemble un peu à un cauchemar, mais on a également l'impression que ce fût un cauchemar à tourner, sous le mauvais temps de la Nouvelle-Angleterre.
Robert Pattinson :
Un peu, mais pas vraiment. Je suppose qu'il faisait assez froid, mais je trouve que lorsque vous avez beaucoup de choses auxquelles réagir, vous devez moins jouer. Plus on vous arrose d'eau et de merde au visage, moins vous avez à jouer. Cela devient vraiment réel. Cela rend les choses plus facile.
Alissa Wilkinson :
Quel genre de préparation avez-vous du faire pour tourner un film comme celui-ci ?
Robert Pattinson :
Je faisais beaucoup de choses folles. Presque chaque scène est comme une intense dépression. Je suis resté dans cette zone la plupart du temps quand je le tournais, je tournais en rond en marmonnant pour moi-même.
Alissa Wilkinson :
Avez-vous fait quelque chose en particulier pour vous mettre dans cet état d'esprit ?
Robert Pattinson :
Quand j'ai lu le scénario pour la première fois, j'essayais de trouver quelque chose avec lequel je pouvais faire du lien, j'écoutais tous ces accents de pêcheur de homard du Maine. Cela ressemblait à un accent tordu et vous deviez vous contorsionner le visage pour avoir le bon accent. Ensuite, cela se traduisait sur votre corps.
Et donc pour ressentir ce que j'ai ressenti en lisant le scénario pour la première fois, je n'arrêtais pas de faire ces étranges contorsions avec mon corps, qui semblaient être le déclencheur [pour moi] afin de me sentir comme ce type. Mais je suppose que c'était un peu bizarre pour les gens de me voir me tordre avant chaque scène. Beaucoup de contorsions !
Alissa Wilkinson :
Avez-vous au moins mangé du homard pendant votre séjour ?
Robert Pattinson :
Vous êtes la seule personne a me le demander. Je veux dire, le homard là bas à un goût phénoménal. Ça ne ressemble en rien à ce que vous avez déjà goûté. De plus, je ne savais pas que vous deviez cuisiner du homard dans ... cela semble tellement dégoûtant, mais vous devez le cuisiner dans l'eau salée d'où il provient. Il a meilleur goût. J'ai l'impression de révéler que je suis un cannibale, mais c'était particulièrement délicieux, même si j'en ai honte.
Alissa Wilkinson :
Donc vous êtes en Nouvelle-Angleterre, vous mangez du homard et essayez de vous préparer à jouer ce pêcheur. Je sais que Robert [Eggers] lisait beaucoup d'Herman Melville et d'autres histoires sur la chasse à la baleine. Avez-vous fait quelque chose de similaire ?
Robert Pattinson :
Il y avait une femme qui compilait beaucoup de lettres et de conversations de vieux marins et d'autres choses de cette période. C'était plutôt intéressant.
Mais il y avait quelque chose de si complet dans le scénario. Il y avait tellement de choses à en tirer que vous n'aviez pas vraiment besoin d'autres choses. A part travailler l'accent, ce qui semblait être une chose compliquée à faire.
J'ai toujours trouvé cela assez intéressant - les éléments fantastiques, les thèmes. J'aime l'idée que quand une personne fait une dépression, les images qu'elle évoque ne sont que des récits et des conditions de cette époque. Ce n'est pas une chose totalement nouvelle pour eux.
Alissa Wilkinson :
Ces images sont assez terrifiantes ! Voyiez-vous ce film comme un film d'horreur lorsque vous travailliez dessus ? Est-ce même quelque chose à laquelle vous avez pensé ?
Robert Pattinson :
Je ne pensais pas vraiment que c'était un film d'horreur, car je le trouvais tellement drôle. Dès que je l'ai lu, je me suis dit que c'était plutôt une comédie surréaliste absurde avec des traits effrayants. Vous savez comment regarder des films surréalistes, même comme ceux de [Luis] Bunuel, etc. ? C'est un peu comme Un chien Andalou [un court métrage surréaliste de Bunuel et Salvador Dali de 1929]. C'est parfois terrifiant, mais la brusquerie de ces images horrifiantes, elles sortent de nulle part et vous ne savez pas nécessairement si vous êtes supposé avoir peur ou non. Je pense que c'est plutôt censé être amusant.
C'est la même chose avec l'aspect comédie de ce film : vous ne savez pas vraiment si vous êtes censé rire. Vous ne savez pas si vous êtes censé avoir peur. Vous ne savez pas ce qui se passe. J'aime toujours ce genre de film.
Alissa Wilkinson :
Comment ce rôle s'inscrit-il dans le genre de rôle que vous aimez faire ? Vous avez travaillé avec beaucoup de réalisateurs qui privilégient un type très stylisé de film.
Robert Pattinson :
Ouais. J'ai adoré The Witch. J'aime travailler avec des personnes qui ont un style extrêmement individualisé, car vous ne pouvez pas vous fier à ce que vous avez déjà fait dans d'autres performances. Cela vous aide à grandir. Donc j'aime vraiment ces réalisateurs iconoclastes.
Il y a également tellement de détails dans le travail de Robert [Eggers]. Il prend d'énormes paris sur un film. Il y a tellement d'intensité dans les films qu'il fait. L'écriture, il semblait y avoir tellement de choses qui était vraiment, vraiment inspirantes. Puis, lorsque vous ajoutez cette capacité d'écriture, de conception, de production... C'est un des plus beaux décors que j'ai vu. Vous ouvrez n'importe quel tiroir, c'est rempli de couvert du département des phares en 1890 ou autre.
Il est tellement minutieux dans les détails. Il voulait même discuter de sous-vêtements d'époque. Il était en quelque sorte entrain de me dire : "Quel lot de sous-vêtements aimes-tu le plus ? Lesquels porterais-tu ?" Et je me disais, "De quoi parles-tu ? Personne ne va les voir, et en plus, je ne peux pas dire la différence."
C'est un plaisir de travailler avec quelqu'un comme cela, car cela vous donne tellement de matière à travailler, c'est transportant.
Alissa Wilkinson
Et il semblerait que vous ayez détruit ce décor à la fin du film, Cela me semble terriblement amusant.
Robert Pattinson :
C'est toujours très amusant d'être recouvert de boue et de merde, de casser des choses, de pulvériser de l'eau... Je ne sais pas. J'aime que les films ressemblent autant que possible à un épisode de Wipeout.
Lorsque vous obtenez un rôle ou vous pouvez y aller fort, où c'est tellement extrême, c'est très amusant à faire, le danger c'est de vouloir rendre chaque rôle fou et d'augmenter l'intensité autant que possible. Ce n'était qu'une de ces expériences formidables à faire. J'espère continuer à trouver des choses comme cela encore. Je veux que tout soit aussi fou que cela.
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