Update : Ajout de la traduction française :
Robert Pattinson explique comment il a appris à faire confiance à son talent et à prendre de gros risques.
La star de "High Life" s'ouvre sur Claire Denis, Christopher Nolan et en quoi le fait de rester dans l'instant a été le secret de sa longue carrière.
Robert Pattinson vient juste de recevoir un message d'Emma Thomas, la productrice du mystérieux nouveau film de Christopher Nolan qu'il doit tourner plus tard cette année. Le message dit "Reste vague". Pattinson était en pleine promotion du film interstellaire de Claire Denis, "high Life", une exploration typiquement elliptique dans les pensées sombres et les trous noirs, et le sujet du projet sans nom de Nolan a déjà été abordé trop de fois. Il y avait des articles haletants sur la façon dont Pattinson pensait que le scénario était "irréel" et que l'acteur n'avait été autorisé à le lire que dans une pièce verrouillée de l'extérieur. Dans une culture du divertissement alimentée par le secret et les spoilers, Thomas était naturellement préoccupée par le faire que sa star crache le morceau.
Elle n'a pas besoin de s'inquiéter. Pattinson ne pourrait pas expliquer l'histoire même s'il essayait. "En lisant le scénario, vous vous dites, "hein ?"" a déclaré l'acteur à la fin d'une récente interview au siège d'A24 à Manhattan. "J'ai le sentiment qu'il a dû inventer quelque chose de nouveau. C'est incroyablement dense, mais aussi méticuleusement pensé que c'est très facile à lire. C'est cool." Il sourit et secoue la tête : "Je ne comprends pas vraiment comment ça marche, mais je suis très curieux de le découvrir !"
Si Pattinson n'a aucune idée dans quoi il s'engage, c'est ce qu'il veut et cela fait partie d'une approche qu'il a développé pour bon nombre de ses derniers films plus audacieux. Pattinson est le premier à admettre que son approche est insouciante pour prendre des risques, mais cela l'a aidé à devenir l'un des acteurs les plus excitants du cinéma moderne.
"Je pense que j'ai commencé à le comprendre un peu sur "Cosmopolis"," raconte l'acteur, libérant son énergie après un tour promotionnel éclair à New York. Ses yeux s'écarquillent à la mémoire du voyage mortel de David Cronenberg dans le film. Le portrait féroce de l'effondrement financier a parfaitement servi de première étape dans le plan de Pattinson pour s'emparer de son statut d'idole des adolescentes avec la saga Twilight et de transformer ce cachet en un travail plus dangereux.
"J'étais tellement nerveux à l'idée même de poser des questions basiques à Cronenberg - de révéler que je ne connaissais rien. Donc je restais assis dans ma chambre d'hôtel et je devenais obsédé par le scénario," dit-il, affichant un sourire penaud chaque fois qu'il se dénigre. "Et puis, la veille du premier jour de tournage, je l'ai appelé et j'ai dit "Bonjour David, je, euh, je veux juste poser une toute petite question...""
Inutile de dire que cela aurait pu devenir une très longue nuit. Quand Cronenberg a senti la terreur dans la voix de sa jeune star, il l'a invité à passer. Pattinson est arrivé quelques minutes plus tard, serrant anxieusement le scénario. L'acteur savait que Cronenberg avait passé toute sa vie à exposer la peur qui se cache sous la peau des gens, et il était prêt à être sa prochaine victime. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. "Je lui ai dit que je ne savais pas ce que quelque chose voulait dire," se rappelle Pattinson, "et David a juste dit, 'Eh bien, je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire non plus, pour être honnête. Mais n'est-ce pas un peu juteux ?'"
C'était tout ce qu'il voulait. Soudainement, Pattinson avait été autorisé à faire confiance à son propre talent, et à la sagesse de réalisateurs visionnaires qui reconnaissaient qu'il était plus qu'un autre joli visage. Plus que cela, Cronenberg a invité Pattinson a joué dans des films du même point de vue qu'il les regarde - d'abandonner le sentiment qu'il avait besoin de tout savoir et plutôt d'essayer de se frayer un chemin dans l'obscurité comme le font les autres au cinéma. Approcher un rôle comme cela, et vous ne savez jamais ce que vous pourrez trouver.
"Quand j'ai commencé à jouer," dit Pattinson, "J'avais besoin de connaître le profil psychologique de mes personnages de façon très très intime. Et ensuite, je me suis rendu compte que dès que j'essayais de faire un truc pour lequel j'ai le sentiment de bien comprendre, c'est un désastre. Dès que j'ai un plan établi, ça va mal tourner. Essayer de s'appuyer purement sur son intuition est préférable. C'est plus facile pour moi de deviner au fond. J'avais l'habitude de couvrir les scénarios de notes, et maintenant je n'ai rien, du tout, presque jamais."
Lorsque Pattinson est arrivé le lendemain matin après sa réunion d'urgence avec Cronenberg, il a commencé à créer une performance déterminante pour sa carrière, qui permettra à l'ancienne idole pour les jeunes adultes d'entrer dans une nouvelle phase ambitieuse qui continue de porter ses fruits. Avant la première de "Cosmopolis" à Cannes, le Britannique d'un naturel doux était surtout connu pour sa romance étalée dans les tabloïds et pour ses pommettes.
Aujourd'hui, Pattinson est moins associé à sa saga de vampire qu'à de nombreux grands cinéastes, de Cronenerg à Werner Herzog, James Gray, les frères Safdie et maintenant Claire Denis. Il a parcouru un long chemin durant ces 7 dernières années.
Et pourtant, la nuit avant son premier jour sur "High Life", Pattinson s'est retrouvé là où il avait commencé : assis seul dans une chambre d'hôtel à l'étranger et essayant fébrilement de se préparer pour un projet qu'il ne comprenait pas complètement.
Seulement cette fois, il n'en a pas fait tout une histoire. "J'essayais de séparer mes côtes devant le miroir," déclare Pattinson, riant du fait que cela devait avoir l'air bizarre. "J'étais convaincu que de forcer mon corps à prendre des formes bizarres était le seul moyen de se préparer pour ce film. Je voulais travailler avec Claire parce que vous pouvez voir que ses acteurs sont plus conscients de leur corps et commencent à se voir différemment."
Il vapote sur sa cigarette électronique avec la précision d'un ninja, cachant l'appareil derrière le bras de son manteau. "Il y a beaucoup de scènes dans "High Life" où je n'ai pas de chemise, et dans des circonstances normales je trouverai cela très étrange et j'éviterai cela à tout prix," dit-il. "Mais il y a quelque chose de différent dans la façon dont Claire voit les textures de la peau, la sueur et ce genre de chose. Elle inspire une fascination pour votre propre corps. Je voulais prendre le contrôle du mien et essayer de le déformer d'une certaine façon."
Pour le personnage de Pattinson dans "High Life", le contrôle de son corps est fondamentalement la seule chose qui lui reste. Monte est l'un des condamnés à mort qui - faisant face à une vie derrière les barreaux - a accepté de faire office de cobaye pour une expérience gouvernementale, où ils seront jetés dans l'espace profond à bord d'un vaisseau qui ressemble à une boîte d'allumettes. On a dit aux prisonniers qu'il essaieraient d'exploiter l'énergie d'un trou noir, mais il ne leur a pas fallut longtemps pour s'apercevoir qu'ils participaient à une mission suicide pour la science.
Aussi mis en pièce et inconfortable que son acteur principal essayait de créer son propre corps, "High Life" se déroule de manière non linéaire, rappelant les précédents films de Denis comme "Bastards" et "Chocolat" : une partie de l'histoire est racontée via des flashbacks indiquant que seul Monte et un bébé semblent avoir survécu. Avec le temps, nous découvrons la maniaque Dr Dibs (Juliette Binoche), qui essayait de mener des expériences de reproduction sur les autres passagers. Et nous apprenons que Monte était le seul homme qui refusait de donner son sperme. Rien d'autre ne lui appartenait vraiment.
C'est à peu près la seule chose dont Pattinson était certains sur son personnage, même lorsqu'il le jouait. "Claire dit toujours qu'elle ne changeait pas le scénario tout le temps," raconte l'acteur, "mais quand j'ai signé pour faire le film, je ne pense pas que Monte [était condamné à mort parce qu'il] avait tué quelqu'un. Et puis tout à coup, au milieu du tournage, il s'avère qu'il a tué quelqu'un. Je me suis dit : "Attends, cela semble assez important !"
Il y a sept ans, une telle révélation aurait pu briser le cerveau de Pattinson et l'envoyer dans une impasse irréversible. Ces jours-ci, cette incertitude est ce qu'il aime le plus dans son travail. "Quand j'ai lu le texte pour ce film," dit-il, "Je me disais...'Quoi !?' Et c'est ce qui m'a plu. Je trouve toujours que la partie la plus intéressante du processus est le moment - le lien avec l'inspiration - plutôt que la partie analytique. Dès que vous commencez à l'analyser, c'est comme si... " il lève ses mains comme des griffes retournées, les doigts collés. "C'était collé."
Pattinson savait qu'il était au bon endroit quand il a passé les deux premières semaines du tournage à jouer face à un bébé et à voir comment toute la production était à la merci de sa partenaire indisciplinée. "Il y a une excentricité contrôlée et une nature sauvage dans la façon dont Claire travaille, où vous ne savez jamais vraiment ce qui se passe," explique Pattinson. "Vous vous pointez et vous traitez chaque jour comme un jour nouveau. C'était très amusant."
Toujours affecté par la brutalité et le désespoir de ce qu'il a vu dans une prison de New York qu'il a visité pour la préparation de "Good Time", pour "High Life," Pattinson a juste essayé de ressentir la différence entre les limites d'une cellule de prison et l'infini de l'espace. "J'ai trouvé intéressant de réfléchir à la manière dont une personne réagirait au plaisir, quand elle ne sait pas vraiment ce qu'est le plaisir," dit-il. "'High Life' est un voyage spirituel pour quelqu'un qui ne sait pas vraiment ce qu'est un voyage spirituel, ni même que cela existe. Ce n'est pas comme dans 'Les Evadés' où vous vous dites, 'Oh, il y a une logique là dedans. Oh Monte va s'échapper.' Aucune part en lui ne se dit : "Si je fais ce truc, je pourrais trouver un travail dans un magasin ou une maison à la campagne." Monte doit inventer son propre élan, ou impulsion, ou..." s'arrête-t-il. "Je ne sais pas quel est le mot."
Il n'a pas à le faire. Pattinson voulait travailler avec Denis parce qu'elle fait des films qui défient toute description facile et gênent votre vocabulaire. "Justement hier, Claire a dit que les films devraient être comme les chansons," dit-il. "Ses films ne peuvent pas s'exprimer autrement - il serait impossible d'écrire High Life comme une histoire courte." Fervent cinéphile, Pattinson est un fan de la réalisatrice depuis que "White Material" l'a frappé (bien qu'il cite "No Fear, No Die" comme autre film préféré); il a été séduit par la façon dont Denis filme la poésie sauvage à partir de rien.
Malgré tout ses succès, Pattinson était terrifié de rencontrer la réalisatrice, de la même manière qu'un fan est terrifié à l'idée de rencontrer son artiste préféré. "J'étais tellement nerveux parce que je ne voulais pas être embarrassé," dit-il. "L'équilibre des pouvoirs est tellement préjudiciable à l'acteur lorsque vous demandez à rencontrer quelqu'un, c'est pour cela que je me suis toujours dis que je devais mettre carte sur table et simplement dire : 'Je me fiche de ce qu'est le travail. Vous n'avez même pas besoin de m'offrir un travail ! Je veux simplement vous dire que je suis un fan !'"
Pattinson se moquait de lui, sur analysant cette ancienne histoire avec l'adorable dégoût de soi de quelqu'un qui rentre chez lui après un premier rendez-vous avec la fille de ses rêves. Même après avoir connu la gloire des Beatles (ou du moins celle de Bieber), et avoir provoqué l'hyperventilation de millions d'étrangers à sa simple vue, Pattinson ne peut toujours pas parler de ses auteurs favoris sans avoir l'air de Chris Farley interviewant Paul McCartney dans "SNL". L'émancipation est peut-être le mot qui est sur toutes les lèvres, mais le grand art a une façon amusante de nous faire sentir indignes.
La nervosité de Pattinson n'a pas été aidée par le fait que cela a pris 3 ans de supplication pour que Denis accepte de rencontrer la jeune star. "Vous voulez mettre carte sur table, mais ensuite cette personne évite de vous rencontrer," dit Pattinson. "Ce qui arrive souvent. Et ensuite, on pense tout de suite 'Oh, ils pensent juste que je suis une merde. Et ensuite, j'ai découvert que certaines personnes étaient nerveuses à l'idée de me rencontrer!"
La vérité c'est que Denis n'a jamais pensé que Pattinson était une merde - au contraire, elle a vu tous les films Twilight et était "émerveillée" par ses performances - mais elle avait écrit ce rôle particulier pour le regretté Philip Seymour Hoffman, et n'était pas sûre que cela pourrait être joué par un jeune acteur. Denis craignait également que Pattinson soit trop "iconique", ce qui est une préoccupation que Pattinson n'a pas autant rencontrée que l'on pourrait le penser. "Je me souviens qu'il y a eu un film où ils ont littéralement dit 'C'est trop important à cause de Twilight, et c'était peut-être en arrière-plan [de certains autres projets qui n'ont pas abouti], mais c'est tout." dit-il.
Le fait est que Pattinson a consacré pratiquement chaque centime de son capital à faire des films plus petits, qui ne pourraient être réalisés qu'avec une star de son calibre. "Le premier film que j'ai fait après la fin de Twilight était Cosmopolis," raconte Pattinson, "et à partir de là, chaque chose que j'ai faite était une chose que je voulais vraiment faire. Aucun d'entre eux n'était un tremplin ou autre. Je pense que pour moi l'essentiel c'est d'accepter de petits rôles - cela vous libère vraiment." Des trucs comme "The Childhood of a leader," "The Lost city of z" et "Damsel" des frères Zellner, un western loufoque qui souligne avec force le courage de la conviction de Pattinson. "Il n'y a pas assez de rôles principaux si vous voulez seulement faire des choses intéressantes."
A ce stade, on commence à avoir l'impression qu'il ne saurait pas faire autre chose. Mais il refuse de se féliciter pour emprunter la route secondaire. "Je ne l'ai jamais vu comme une marque de soutien pour la communauté, mais c'est presque impossible d'amener les gens à voir de petits films," dit-il. "Et si personne ne les fait, et que tout le monde essaie juste de prendre le train en marche pour traquer l'argent tout le temps, alors personne ne ferait aucun de ces petits films." Quelques minutes après avoir été si déférent et plein d'auto-dérision à propos de son processus, Pattinson s'est montré soudainement confiant quant à son chemin. "Tout le monde est censé être un activiste en tant qu'acteur en ce moment, mais [c'est] le monde que j'aime. Je ne suis pas devenu acteur pour être un politicien ou quoi que ce soit. Je suis devenu acteur pour faire des films intéressants - c'est ce qui m'intéresse. Si ma carrière consiste à faire des films d'art et d'essai pour un client, ça me va."
Pattinson continue à prendre des risques calculés, incluant deux projets à venir avec Netflix - The King, le film médiéval shakespearien de David Michod, avec Timothée Chalamet et The Devil All The Time d'Antonio Campos, une épopée renversante sur la foi et la corruption. "Il y a un excellent casting et tout, mais c'est très très sombre," raconte Pattinson à propos de ce dernier. "J'en parlais avec Antonio l'autre jour et je disais 'C'est génial que ce soit sur Netflix, parce que qui irait le voir au cinéma ?'" C'était supposé être un compliment, mais ça n'est pas sorti comme il fallait. "Antonio a juste dit : 'Merci ?'"
De la même manière que les autres stars pour jeunes adultes comme Kristen Stewart et Daniel Radcliffe sont devenus les acteurs les plus aventureux de leur génération, Pattinson se fiche de tourner le dos à certaines personnes. "Il y a toujours une partie du public qui se sent offensé si vous essayez de faire quelque chose de personnel et de difficile," dit-il, "et vous ne devez jamais écouter ces personnes. Ils se font du tort à eux-mêmes."
Pattinson s'est souvenu à quel point il était nerveux de montrer "High Life" à ses agents. "J'avais regardé le premier montage avec Claire et je riais tellement," dit-il ." Mais je ne pouvais pas savoir comment cela rendrait au final. J'avais peur d'avoir passer un si bon moment à le faire que..." s'arrête-t-il. Il ne sait pas comment finir sa phrase car ses craintes étaient sans fondement. "Ils ont eu la réaction que je voulais, qui était "Woaw, je ne sais pas ce que c'est, mais c'est quelque chose.' C'est en quelque sorte la meilleure réaction que je pouvais espérer."
C'était une fin heureuse de son travail sur un film qui, à son avis, a une fin heureuse. "J'adore tellement la fin de High Life car cela se termine par une note qui révèle des possibilités infinies après coup," dit-il. "Je pense qu'il y a de l'espoir dans le fait de voyager dans l'inconnu."
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