lundi 16 mai 2016

Brady Corbet parle de The Childhood of a Leader dans une nouvelle interview (Traduction)

Dans une récente et intéressante interview avec le site suédois DN.kultur, Brady Corbet revient longuement sur le film. Attention, gros spoiler sur la fin du film (la phrase a été mise en toute petite taille et d'une couleur différente pour que ceux qui ne souhaitent pas être spoilé ne puissent pas la lire :) )


Traduction :

Michael Haneke est son mentor, il a travaillé avec Ruben Östlund et il n'aime pas les histoires traditionnelles. Nicholas Wennö a rencontré le nouveau réalisateur et l'acteur indépendant Brady Corbet qui a fait un film sur l'enfance d'un futur dictateur. 

"Personne ne naît extrémiste", dit le titre de la première page du National Coordinator contre l'extrémisme violent. La page continue : "ensemble nous pouvons prévenir l'extrémisme violent. Grâce à la prévention nous allons renforcer l'individu et la société."

L'acteur Brady Corbet serait probablement d'accord avec cela. Aujourd'hui c'est la première de son premier film mystérieux et remarquable en tant que réalisateur "The Childhood of a Leader", qui suit la route d'un jeune garçon instable vers le fascisme. Certaines des "scènes d'enfance" ont été inspirées par la nouvelle de Jean-Paul Sartre du même nom datant de 1939, qui parle d'un jeune homme égoïste et peu sûr de lui qui adopte une idéologie fasciste et antisémite. 



"Le concept du film était d'éviter tout ce qui était psychologique, ce qui est un peu paradoxale pour quelque chose qui est essentiellement un psychodrame", raconte Brady Corbet, assis à l'hôtel Avenyn, portant un pantalon noir, une écharpe rouge et une veste à rayures. 

Corbet s'est fait un nom en tant qu'acteur indépendant grâce à des films comme 'Melancholia', 'Eden', 'Clouds of Sils Maria' et 'Snow Therapy'. Certains se rappelleront de Corbet comme l'un des deux psychopathes qui terrorise une famille avec un club de golf dans la version Hollywoodienne de 'Funny Games' (2007). 

'The Childhood of a Leader' a quelques similarités évidentes avec le film de Michael Haneke, vainqueur d'une Palme d'Or 'The White Ribbon', qui dépeint la façon dont l'éducation autoritaire et la pédagogie noire dans un village allemand font émerger le nazisme en Allemagne au 21ème siècle. 

"Oui, mon film est totalement lié à 'The White Ribbon'. J'ai commencé à penser à ce film quand je travaillais avec Michael pour 'Funny Games'. Durant le tournage, il m'a dit comment 'The White Ribbon' était inspiré par le film 'Les Désarrois de l'élève Törless' de Volker Schlöndorffs (adapté du roman de Robert Musil), un des meilleur film qui existe."

La seconde grande source d'inspiration de Corbet a été le roman 'Paris 1919: Six Months that Changed the World' de Margaret MacMillan, qui parle du désastreux Traité de Versailles après la Première Guerre Mondiale. 

"Un livre fantastique et terrifiant qui m'a hanté pendant des années. Malheureusement le traité de paix de Paris a foutu la merde en Europe de l'est. Wilson, Lloyd Georges et Clemenceau ont fait un très mauvais travail - nous n'avons pas beaucoup avancé en 100 ans", dit Corbet, et il ajoute : 
"Bien sûr, mon film est un commentaire sur ce qui ce passe en Europe et aux Etats-Unis aujourd'hui. Et sur comment les choses se répètent - la guerre et la misère - il n'y a pas beaucoup de différence entre les réfugiés dans les vieilles photos d'archives et celles que l'on voit dans les médias aujourd'hui."

'The childhood of a leader' raconte l'histoire d'un couple marié américain qui s'installe en France à la fin de la première guerre mondiale. Liam Cunningham joue le patriarche autoritaire qui travaille sur le Traité de Versailles, alors que sa femme religieuse (Bérénice Bejo) gère le fils aux cheveux d'ange du couple qui devient de plus en plus hors de contrôle. Il est lunatique, impulsif, mégalomaniaque avec des sautes d'humeur violentes. 

SPOILER : 
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!A la fin du film, Robert Pattinson est présenté comme un despote autocratique avec le crâne rasé, dans un pays européen sans nom, mais qui rappelle l'Italie. !!!!!!!!!!!!!!

The Childhood of a Leader est vaguement basé sur l'évolution de certains des pires despotes de l'histoire, mais Corbet balaye toutes les tentatives pour avoir des réponses. 

"Bien sûr, c'est assez bizarre d'essayer d'identifier un seul événement qui définit la vie d'une personne. Chaque partie de la vie d'Hitler a fait l'objet d'un documentaire, il y a un besoin désespéré d'expliquer, mais cela semble voué à l'échec. Chaque fois que vous voulez trouver une relation de cause à effet, on vous tire le tapis sous les pieds," dit-il. 

Pour que le film ne donne pas l'impression de faire une leçon d'histoire il a enlevé tout ce qui avait l'air pédagogique. 

"Mon seul objectif était de dépeindre une série de luttes de pouvoir dans cette maison névrotique - entre les différents personnages, à différents niveaux. Comment quelque chose d'invisible, un poison se propage dans la maison, comment un garçon est affecté par l'atmosphère de la maison et comment les gens autour de lui sont affectés par son comportement," raconte Corbet. 

Et tout comme son mentor autrichien, Corbet se retourne contre les modèles psychologiques simplistes d'Hollywood. 

"La manière dont Haneke utilise cette allégorie comme une "menace voilée" est totalement brillante," dit Corbet, faisant référence au film où les hôtes de Daniel Auteuil étouffent soudainement des messages qui mènent le chemin vers un passé qu'il veut supprimer. 

A l'automne dernier, "The Childhood of a leader" a gagné le prix du meilleur premier film et du meilleur réalisateur dans la section Orrizonti du festival du film de Venise. Le président du jury, Jonathan Demme a dit que le film était "éblouissant et délicieusement original" et a comparé Corbet avec le jeune Orson Welles. 

Son petit budget de 5 million de dollars semble plus cher que ce qu'il est. Les décors ont été méticuleusement réalisés jusqu'au dernier détail. Pour obtenir le bon bruit de grincement de sol, il a été construit sur plusieurs couches. Les murs ont été peints de nombreuses fois pour obtenir différentes nuances dans des scènes différentes qui ont été filmées en 35-mm avec une faible lumière. 

"J'ai tout fait pour obtenir cette sensation graveleuse de quelque chose de vivant - sans elle, ça aurait ressemblait à un look boho-chic comme Urban Outffiters, haha. Je suis très friand de 'Tree Shoe Tree' d'Ermanno Olmis, qui travaille uniquement avec de l'argile et des brouettes, sans aucun design," raconte Corbet. 

Si les décors sont minimalistes, la bande originale de Scott Walker est d'autant plus bruyante et expressionniste, extrêmement forte et incroyablement proche. 

"Scott Walker est mon héros - sa musique a été une source d'inspiration pour l'ensemble du film. Scott est un artiste expressionniste, dont la musique est extrêmement addictive. J'ai joué beaucoup de composition d'avant-garde du 20ème siècle. Il arrive a créer la musique qu'il veut."

Cela se termine avec une bande originale symphonique, chaotique et nerveuse qui a coûté 1 million à enregistrer pendant 3 heures, avec l'aide d'un orchestre symphonique de 80 musiciens à Londres. 

"Sa musique est si exigeante que vous ne pouvez pas la cacher. Elle n'est pas bien intégrée, mais elle est au dessus de tout. Je ne voulais pas qu'elle soit manipulée de quelque manière. Nous avons fait en sorte qu'elle soit sacrément forte!" sourit Corbet. 

En tant que réalisateur, Brady Corbet est plus proche des films artistiques européens que des histoires américaines. 

"Je pourrais faire une vidéo d'un récit traditionnel les yeux bandés, c'est si ridiculement facile. Mais je préfère voir un film fou et magnifique avec les défauts de Leos Carax, qu'un film d'Hollywood médiocre. Il y a trop de films où 2 personnes sont assises sur un canapé et parlent de leur foutue relation pendant 2h," dit Corbet en commençant à se plaindre des conditions des longs-métrages. 

"L'industrie du film est vraiment mauvaise. Je suis également un peu déçu par les gens qui disent ne pas avoir le temps de regarder des films alors qu'ils peuvent consacrer tout un week end à une série policière totalement inoffensive. C'est dingue. Et des réalisateurs brillants comment David Fincher sont engagés pour faire des mauvais films comme "Gone Girl"." 

Il parle également du développement numérique. 

"La révolution numérique craint ! C'est comme si quelqu'un avait créé un antidote à une maladie dont nous ne souffrions pas. Maintenant, tout n'est que résolution HD, etc. Qu'est ce que tu vas faire de plus avec cette foutue résolution ? Projeter le film sur un gratte-ciel ? Ça coûterait trop cher, c'est des conneries ! Comme 30 000 dollars sur un budget d'1 million - économisant quelques trajets en voiture et  dîner car vous êtes à la maison," explique Brady Corbet. 


Traduction : Sabine@therpattzrobertpattinson.blogspot.com

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